Notes sur l'École supérieure de guerre en 1925-1927 par le général DROMARD




J'appartiens à la 47e promotion, entrée à l'école en 1925.

 

Nous avions presque tous fait la totalité de la guerre de 1914-18 comme chefs de section et commandants de compagnie (ou batterie). Une grande partie d'entre nous avait, en outre, pris part aux opérations de Syrie, Cilicie ou du Maroc entre 1919 et 1923.

 

C'est dire que nos façons de penser étaient profondément imprégnées par l'existence que nous avons menée au cours de ces années exceptionnelles et par l'euphorie de la victoire. On ne retrouvera évidemment rien de comparable dans les générations suivantes, et a fortiori dans les générations actuelles.

 

D'autre part, les grands problèmes de doctrine qui allaient occuper l'opinion militaire dans la période précédant la 2e guerre mondiale (emploi des chars, de l'aviation, fortification...) ne s'étaient pas encore fait jour pendant notre séjour à l'École.

 

L'enseignement nous apparaissait à l'avance comme prestigieux. Les grands chefs de la guerre : FOCH, PETAIN, FAYOLLE, y avaient été des professeurs éminents.

 

Il était basé sur des armées type 1918 et s'inspirait des enseignements de la guerre.

 

Il a de ce fait, répondu à l'idée que nous pouvions nous en faire en 1925.

 

Profit tiré du stage.

 

- Sur le plan état-major : Très bien sur le plan des états-majors de division et de corps d'armée en campagne, encore que les problèmes de ce que l'on a appelés depuis « la logistique » sont apparus, après coup, insuffisamment approfondis.

 

Nul en ce qui concerne le fonctionnement des état-major  du temps de paix, notamment des état-major  de Région, cheville essentielle de la vie quotidienne de l’armée.

 

- Sur le plan tactique : Très bien. Nous avons acquis une bonne méthode pour appréhender et penser les problèmes tactiques, surtout à l'échelon Division, aussi bien à l'occasion des séances en salle que des exercices sur le terrain et les voyages d’état-major.

 

Il y avait certainement, parmi les brevetés de l'époque, unité de pensée (plutôt que de doctrine). Il semble que c'était alors le but recherché.

 

Le plan stratégique ne paraissait pas entrer dans les préoccupations de l'enseignement.

 

L'armée de l'air n'étant pas encore créée, nous avions un cours d'aéronautique. Compte tenu du stage préliminaire de deux mois dans un régiment d'aviation, couronné par l'acquisition du brevet d'observateur, nous étions à même de suivre parfaitement les conditions d'emploi des forces aériennes.

 

Nous ne connaissions la Marine que d'une manière sommaire, par une conférence, un exercice en salle consacré à l'étude d'un débarquement et la visite de la base aéronavale de Saint-Raphaël.

 

Aucun cours n'émergeait particulièrement de l'ensemble. Peut-être, certains professeurs des cours d'Artillerie ou du Génie, manifestaient-ils une pointe d'indépendance, caractéristique, sans doute de leur formation polytechnicienne. Ils amenaient ainsi un peu de fantaisie dans l'uniformité de l'ensemble.

 

Comme je l'ai dit plus haut, nous n'étions pas encore concernés par les problèmes de doctrine qui se sont posés peu après.

 

L'École avait manifestement le désir d'ouverture sur le monde extérieur. Il se manifestait par le choix de conférenciers éminents, par quelques visites d'installations industrielles et également, par la présence d'officiers de réserve au cours des voyages d’état-major. Cela n'allait pas plus loin.

 

Il se trouve que dans mon groupe, nous n'avions que des relations superficielles avec nos camarades étrangers qui nous étaient apparus personnellement peu attrayants.

 

A Paris, tout au moins, la société militaire n'existait pas, on se restreignait à certains milieux particuliers.

 

J'ai conservé avec mes camarades de groupe et leurs familles les liens très amicaux qui subsistent toujours, mais nos relations privées militaires n'ont guère dépassé ce stade.

 

Ayant été affecté à l’état-major de l’armée, je n'ai guère de contacts avec des camarades non brevetés.

 

Par contre, dans mes contacts extérieurs, j'ai eu l'impression que les brevetés, s'ils étaient parfois jalousés, jouissaient, en général, d'une certaine considération.

 

Les difficultés matérielles en 1925-27 étaient hélas, les mêmes que celles qu'ont connues depuis et que connaissent encore les cadres de l’armée.

 

La résonance des événements politiques, les contacts avec les milieux civils se sont surtout manifestés après notre sortie de l'École.

 

Il ne fait pas de doute que la formation qui nous y fut donnée a été une bonne préparation à cet égard.


Article paru dans le Bulletin trimestriel de l'association des amis de L'École supérieure de guerre.

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