ORDONNANCE DU ROI SUR L'ORGANISATION DU CORPS ROYAL D'ÉTAT-MAJOR



ORDONNANCE DU ROI

SUR L'ORGANISATION DU CORPS ROYAL D'ÉTAT-MAJOR.

 A Paris, le 23 février 1833.

 LOUIS-PHILIPPE, roi des Français, à tous présents et à venir, salut :

Vu les ordonnances des 6 mai 1818, 10 décembre 1826 et 22 février 1831, concernant le corps royal d'état-major ;

Voulant améliorer l'organisation de ce corps et coordonner les dispositions desdites ordonnances avec celles de la loi du 14 avril 1832 sur l'avancement ;

Sur le rapport de notre Ministre secrétaire d'État de la guerre, président du conseil,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

 TITRE 1er. - COMPOSITION DU CORPS ROYAL D'ÉTAT- MAJOR.

 ART. 1er - Le corps royal d'état-major sera composé, au pied de paix comme au pied de guerre, de cinq cent soixante officiers, savoir :

30 colonels ;

30 lieutenants-colonels ;

160 chefs d'escadron ;

300 capitaines ;

100 lieutenants.

2. - Les lieutenants d'état-major seront nommés parmi les sous-lieutenants élèves de l'École d'application du corps royal d'état-major, conformément aux dispositions du titre VI.

Il y aura cinquante sous-lieutenants élèves ; ce nombre se composera, ainsi qu'il sera déterminé à l'art. 23 :

De sous-lieutenants de toutes armes en activité dans Le corps ;

De sous-lieutenants sortant de l'École polytechnique ;

De sous-lieutenants sortant de l'École spéciale militaire.

 3. - Les officiers de toutes armes, du grade de capitaine et au-dessous, sont, s'ils remplissent les conditions de l’examen de sortie de l’École d'application, admissibles à permuter avec les officiers d'état-major de leur grade ; ils ne prendront néanmoins dans le corps leur rang d'ancienneté que dans le cas où ce rang n'est pas supérieur à celui de l'officier remplacé.

 4. - Les officiers d'état-major, jusqu'au grade de capitaine inclusivement, pourront, sur leur demande, être placés au tour de non-activité dans l'infanterie ou la cavalerie ; dans ce cas, ils cesseront de faire partie du corps royal d'état-major.

 TITRE II. - EMPLOI ET DESTINATION DES OFFICIERS D'ÉTAT-MAJOR.

 5. - Les colonels, lieutenants-colonels, chefs d'escadron et capitaines du corps royal d'état-major, continueront d'être employés comme chefs d'état-major, officiers d'état-major ou comme aides de camp.

 6. - Des officiers d'état-major seront attachés au dépôt de la guerre pour les travaux de cet établissement, pour la confection de la carte de France et pour toutes autres opérations analogues.

 7. - Des officiers d'état-major pourront être mis à la disposition du Ministre des affaires étrangères pour être attachés aux ambassades ou employés à des missions' diplomatiques.

 8. Les lieutenants d'état-major seront détachés comme officiers à la suite, deux ans dans l'infanterie, puis deux ans dans la cavalerie. Après quatre ans de service dans ces deux armes, ils pourront être envoyés à la suite, pendant une autre année, dans les régiments d'artillerie ou du génie.

 9. En temps de guerre, les lieutenants détachés dans la cavalerie, l'artillerie et le génie, pourront être appelés par notre Ministre de la guerre à remplir les fonctions d'état-major.

Notre Ministre de la guerre pourra aussi, et subsidiairement, affecter dans le même cas, aux mêmes fonctions, les officiers passés sur leur demande de l'état-major dans un autre corps, soit par permutation, soit au tour de la non-activité, et les officiers, anciens élèves de l'École d'application, qui, ayant satisfait aux examens de sortie, n'ont pu, faute de vacances, être placés dans le corps d'état-major.

Ils seront, si les besoins du service l'exigent, remplacés à leur régiment ; dans ce cas seulement, ils compteront à la suite du corps d'état-major, y prendront rang du jour où ils auront été appelés et y concourront pour l'avancement ; les officiers non remplacés continueront de compter à leur corps et d'y jouir de tous leurs droits.

Ces officiers recevront pendant leur service d'état-major la solde et les prestations attribuées à leurs grades dans l'état-major.

A la paix, le droit des officiers à la suite du corps d'état-major, à l'égard des vacances dans ce corps, sera le même que celui des officiers dont le corps aura été licencié ou l'emploi supprimé, relativement aux vacances dans leur arme.

Ceux qui préféreraient rentrer dans leur régiment y seront à la suite jusqu'à la première vacance.

Les officiers non remplacés dans leurs corps y rentreront immédiatement.

 10. - A défaut d'officiers d'état-major, les officiers généraux peuvent être autorisés, par notre Ministre secrétaire d'État de la guerre, et en campagne par le commandant en chef de l'armée ou du corps d'année, à employer auprès d'eux, avec le titre d'officier d'ordonnance, et pour la transmission des ordres, des capitaines en second de cavalerie et des lieutenants d'infanterie ou de cavalerie des troupes qu'ils commandent : ces officiers continueront de compter à leurs corps et d'y concourir pour l'avancement.

 11. - Les officiers d'état-major momentanément sans emploi pourront être mis à la solde de congé ; autrement ils seront employés provisoirement, soit au dépôt de la guerre, soit dans les divisions ; ils pourront aussi, jusqu'au grade de chef d'escadron inclusivement, servir à la suite dans les régiments d'infanterie et de cavalerie.

 TITRE III. - DES OFFICIERS DÉTACHÉS À LÀ SUITE DES CORPS DE TROUPES.

 12. - Les lieutenants d'état-major détachés dans les corps d'infanterie ou de cavalerie serviront dans les compagnies ou escadrons pendant la première des deux années qu'ils doivent passer dans chacune de ces deux armes ; ils concourront pendant la seconde au service des adjudants-majors, lorsqu'ils y seront jugés propres par les inspecteurs généraux.

Les lieutenants qui seront promus au grade de capitaine avant l'expiration des quatre années qu'ils doivent passer dans les régiments d'infanterie et de cavalerie, achèveront de satisfaire à cette condition comme capitaines à la suite, et rempliront les fonctions d'adjudant-major.

Le service des officiers d'état-major détachés dans les corps aura lieu dans toutes les armes, conformément aux dispositions prescrites pour les officiers à la suite par nos ordonnances sur le service intérieur.

Les lieutenants détachés ne pourront être distraits des corps qu'en temps de guerre, et seulement après qu'ils auront servi deux ans ; néanmoins, les lieutenants ayant une capacité spéciale pour tes travaux géodésiques et topographiques pourront, même avant ce temps, être employés à la carte de France ou à toutes autres opé- rations analogues, et, en outre, deux lieutenants seront, immédiatement après leur sortie de l'École d'application, placés au dépôt de la guerre pour se former à la pratique des opérations géodésiques.

 13. - Les inspecteurs généraux d'infanterie et de cavalerie feront subir dans le cours de leur inspection, aux capitaines et aux lieutenants d'état-major détachés, des examens sur la théorie et la pratique des manœuvres, ainsi que sur toutes les parties du service ; ils les examineront en outre sur leur service spécial d'état-major, en leur faisant exécuter des reconnaissances militaires et en ne leur donnant jamais plus de quarante-huit heures pour rapporter leur levé à vue et leur mémoire : il sera rendu compte de ces examens au ministre par des rapports qui seront, ainsi que les levés et mémoires, transmis à la commission d'examen d'état-major.

 TITRE IV. - DE L'UNIFORME.

 14. - L'uniforme des officiers et élèves du corps royal d'état-major continuera tel qu'il est déterminé par les ordonnances et règlements en vigueur.

 15. - Les capitaines et les lieutenants détachés dans les corps porteront l'uniforme de l'état-major, moins seulement l'aiguillette.

 16. - Les officiers momentanément sans fonctions d'état-major, et servant conformément aux dispositions de l'article 11, continueront à porter l'uniforme d'état-major et l'aiguillette.

 17. - Les officiers des corps, anciens élèves de l'École d'application, appelés en temps de guerre, en vertu de l'article 9, à servir à la suite du corps d'état-major, prendront l'uniforme de ce corps, s'ils sont remplacés à leur régiment. Dans le cas contraire, ils ne prendront que l'aiguillette.

 18. - Les officiers d'ordonnance continueront à porter l'uniforme de leurs corps.

Ils porteront comme marque distinctive de leurs fonctions le même bracelet que les aides de camp.

 TITRE V. - DE LA SOLDE ET DES PRESTATIONS.

 19. - La solde et les prestations du corps d'état-major continueront d'être allouées conformément aux tarifs en vigueur. Les chefs d'escadron d'état-major auront droit au nombre de rations attribué aux chefs d'escadron de cavalerie.

 20. - Les capitaines et lieutenants détachés recevront la solde et les prestations allouées dans le corps à la suite duquel ils serviront.

 21. - Les officiers momentanément sans emploi dans l'état-major auront droit à la solde de congé.

Ils recevront, quand ils seront employés à la suite des régiments, la solde d'état-major, et de plus, dans la cavalerie, les rations de fourrages attribuées à leur grade.

 22. - Les officiers d'ordonnance recevront pendant leur service auprès des officiers généraux la solde et les prestations affectées aux officiers d'état-major de leur grade.

 TITRE VI. - DES ÉLÈVES DE L'ÉCOLE D'APPLICATION D'ÉTAT-MAJOR.

 23. - Sur les cinquante sous-lieutenants élèves, vingt-cinq seront annuellement remplacés et pris, savoir :

Trois parmi les élèves de l'École polytechnique, d'après les règles établies pour les autres services publics ;

Vingt-deux parmi les trente premiers élèves de l'École spéciale militaire, et parmi trente sous-lieutenants en activité au plus, qui, ayant au moins un an de grade, et ne dépassant pas vingt-cinq ans d'âge, se destineront à l'état-major les uns et les autres concourront selon le mode déterminé aux articles 24 et 31.

 24. - Tout sous-lieutenant qui se proposera de concourir pour le corps d'état-major devra adresser, avant le 1er août, par la voie hiérarchique, sa demande à l'inspecteur général, et, en l'absence de celui-ci, au lieutenant général commandant la division, qui la transmettra au ministre, avant le 20 du même mois, avec son avis et tous les renseignements qu'il aura recueillis sur cet officier.

Le ministre désignera les officiers qui devront être admis au concours, et leur donnera l'ordre de s'y rendre. Ils continueront à recevoir la solde d'activité de leur grade.

Les élèves de l'École spéciale militaire classés les trente premiers à l'examen de sortie de cette école concourront avec les sous-lieutenants de l'armée pour l'admission à l'École d'application d'état-major.

 25. - Les sous-lieutenants admis à l'école ne seront point remplacés à leurs corps ; les autres y rentreront immédiatement.

Les trente élèves de l'École spéciale destinés, d'après leur numéro d'examen, à concourir pour l'École d'application, seront, en même temps que les autres élèves de leur promotion, assignés à l'École de cavalerie ou à des régiments d'infanterie.

Ceux de ces élèves qui auront été admis à l'École d'application compteront dans les corps d'infanterie ou de cavalerie qui leur auront été désignés. Les trois élèves de l'École polytechnique seront placés, à leur choix, dans la cavalerie ou dans l'infanterie. Les élèves non admis se rendront, soit à l'École de cavalerie, soit dans les régiments d'infanterie.

 26. - Les élèves continueront de rester deux ans à l'École d'application et d'y être répartis en deux divisions.

Ils seront, d'après l’examen de sortie, divisés en deux classes :

1° Des élèves qui, ayant satisfait aux conditions de cet examen seront admissibles dans le corps de l'état-major ;

2° Des élèves qui, n'ayant pas satisfait à ces conditions, ne seront pas admissibles dans ce corps.

 27. - Les élèves admissibles seront immédiatement appelés, dans l'ordre de leur numéro de sortie, à remplir les emplois de lieutenants vacants dans le corps d'état-major.

Ceux des élèves provenant des régiments et qui, pendant leur séjour à l'École d'application, auraient été nommés lieutenants dans leurs corps, prendront rang dans l'état-major à la date de cette nomination. Les élèves qui n'auraient pas acquis le grade de lieutenant dans un régiment prendront rang, quelle que soit leur ancienneté de sous-lieutenant, d'après leur numéro d'examen de sortie de l'École d'application, concurremment avec les sous-lieutenants provenant des écoles.

Les élèves admissibles, mais qui excéderont le nombre des vacances, prendront, dans les régiments d'infanterie ou de cavalerie, l'emploi qui leur aura été réservé pendant leur séjour à l'École d'état-major.

Les élèves sortis des régiments auront droit aux premiers emplois de lieutenant vacants dans leur corps, au tour du choix.

Les élèves sortis d'une école seront portés au tableau d'avancement à leur arrivée dans les corps.

 28. - Les élèves non admissibles recevront immédiatement la destination qui leur aura été réservée, soit dans les corps de cavalerie, soit dans les corps d'infanterie, mais sans droit aux premières vacances, ni à l'inscription immédiate sur le tableau d'avancement.

 TITRE VII. - DE LÀ COMMISSION D'EXAMEN D'ÉTAT-MAJOR.

 29. - Il est établi, pour les examens d'admission à l'école ou dans le corps d'état-major, et pour la direction des études tant des élèves que des officiers, une commission composée, savoir :

D'un lieutenant général président, annuellement désigné par notre ministre de la guerre ;

Du directeur ou chef du dépôt de la guerre ;

Du commandant de l'École d'application ;

De quatre colonels ou lieutenants-colonels d'état-major désignés chaque année par notre ministre secrétaire d'État de la guerre ;

D'un officier supérieur choisi parmi tes officiers employés au dépôt de la guerre, et qui remplira les fonctions de secrétaire permanent.

Lorsque le directeur du dépôt de la guerre sera président de la commission, il y sera remplacé par un maréchal de camp ayant, autant que possible, été colonel au corps royal d'état-major.

Des professeurs de l'École d'application seront appelés dans le sein de la commission pour y participer aux examens d'admission et de sortie.

La commission tiendra ses séances, chaque année, du 1er octobre au 1er avril. Les époques d'examen d'admission et de sortie seront déterminées par notre ministre secrétaire d'État de la guerre.

 30. - La commission d'examen rédigera et proposera à notre ministre de la guerre des règlements sur l'organisation intérieure, les cours et le régime de l'École d'application, enfin les programmes d'admission et de sortie ; ces programmes seront toujours rendus publics.

 31. - Le concours mentionné à l'art. 24, pour l’admission à l’École d'application, aura lieu devant la commission d'examen qui effectuera le classement résultant de ce concours.

 32. Les examens de sortie de ladite école et le classement qui en sera la suite seront également faits par la commission.

La commission procédera de même à l'examen des officiers qui se présenteront pour entrer par permutation dans le corps d'état-major.

 33. - La commission d'examen déterminera les travaux d'étude que devront annuellement exécuter les lieutenants et les capitaines détachés dans les corps, ainsi que les capitaines non détachés qui n'auront pas deux ans de grade et deux ans de fonctions d'état-major. Ces officiers seront, pour leurs travaux, sous la surveillance du chef de l'état-major. Cet officier supérieur sera leur intermédiaire avec la commission.

 34. - Les capitaines ayant plus de deux ans de fonctions d'état-major et les officiers supérieurs employés dans les divisions, soit comme officiers d'état-major, soit comme aides de camp, soit à la suite de corps de troupes, exécuteront, d'après les ordres du ministre ou des lieutenants généraux commandant les divisions, des travaux de reconnaissance et de statistique des frontières et des principaux points militaires, ainsi que des travaux historiques et critiques sur les guerres dont ils auront été le théâtre.

 35. - Les plans et mémoires, soit ceux qui auront été ordonnés aux officiers supérieurs et aux capitaines, soit ceux que ces officiers auront d'eux-mêmes conçus et exécutés, seront adressés à notre ministre de la guerre par les lieutenants généraux commandant, pour être ensuite déposés au secrétariat de la commission d'examen, à moins qu'exceptionnellement il n'en soit autrement décidé par le ministre.

Le secrétaire de la commission recueillera ces plans et mémoires, ainsi que les travaux d'étude, et les mettra sous les yeux de la commission, qui en fera le classement. Ce classement lui servira, avec les rapports des inspecteurs généraux et des généraux commandants, à former le tableau pour l'avancement au choix.

 36. - Il sera ouvert, au secrétariat de la commission d'examen, un registre nominatif et par ancienneté, de tous les officiers du corps royal d'état-major, qui servira à inscrire les notes annuelles et les rapports des inspecteurs généraux et des généraux commandants, l'indication des travaux exécutés par les officiers, et l'opinion de la commission d'examen sur ces travaux. Un double de ce registre sera déposé au bureau des états-majors, pour être consulté dans tous les cas, et surtout pour déterminer la meilleure destination à donner aux officiers.

 37. - Le tableau d'avancement sera formé tous les ans par la commission d'examen, conformément aux dispositions que déterminera l'ordonnance générale d'avancement, et particulièrement le titre de cette ordonnance relatif au corps royal d'état-major.

 TITRE VIII. - DISPOSITIONS TRANSITOIRES.

 38. - Jusqu'à ce que le nombre des officiers soit réduit conformément au cadre déterminé par l'art. 1er, il ne sera fait qu'une seule nomination pour deux vacances.

 39. - Les capitaines et les lieutenants actuellement détachés dans les corps de troupes cesseront d'y compter comme titulaires et y seront remplacés ; néanmoins, ils continueront d'y servir à la suite, conformément à ce qui est prescrit aux titres Il et III de la présente ordonnance.

Les lieutenants aides-majors cesseront leurs fonctions ; ils seront placés et employés comme les capitaines et les lieutenants détachés.

 40. - Les sous-lieutenants détachés cesseront, aux mêmes conditions que ci-dessus, d'être titulaires dans les corps. Ils seront immédiatement nommés lieutenants au corps royal d'état-major.

 41. - Toutes dispositions antérieures contraires à la présente ordonnance sont et demeurent abrogées.

 42. - Notre ministre secrétaire d'État de la guerre, président du conseil, est chargé de l'exécution de la présente ordonnance.

 Signé LOUIS-PHILIPPE.:

Par le Roi 

Le Président du Conseil, Ministre de la guerre,

Signé Maréchal Duc DE DALMATIE.

 

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