10- Conclusion.

Nous avons d'abord à nous incliner devant nos morts et au premier rang parmi eux, ceux qui ont été frappés du fait de l'ennemi.

 

Le Maréchal de LATTRE de TASSIGNY, mort pour la France k 11 janvier 1952.

Le général de brigade LEMONNIER, défenseur de Langson (Tonkin), décapité par les Japonais en mars 1945.

Le général de brigade MOREL, mort en déportation à Hambourg en 1942.

Le général de brigade VAUTRIN, mort au champ d'honneur en Tunisie en 1944.

Le chef de bataillon PARIS, chef d'état-major du corps expéditionnaire français, mort au champ d'honneur à Narvik (Norvège) en mai 1940.

 

et parmi nos camarades étrangers :

 

Le colonel BARRETT des US Marines, mort au cours de la campagne du Pacifique 41-43.

Le colonel EARL NAIDEN, des US Air Forces, mort des suites de ses blessures.

Le colonel CHMIELOWSKI, de l'armée polonaise, mort des suites de blessures (bombardement de Londres).

 

et à cette marque de respect il convient d'associer les fils de ceux d'entre nous qui sont tombés en Indochine ou en Afrique.

 

Je m'excuse d'avoir été prolixe et de m'être livré à des statistiques autant qu'à des réminiscences sentimentales. Telle qu'elle vous est présentée, la 49e Promotion, comme celles qui l'encadrent, de la 40e à la 55e, figure une époque, j'allais écrire une génération de brevetés. La 49e présente peut-être la particularité d'englober un aussi grand nombre d'officiers ayant servi avant 1914, et ayant fait ou terminé la première guerre mondiale et de compter dans ses rangs un bon tiers de jeunes entrés au service après 1919.

 

La préoccupation de celte génération a été la sécurité de la frontière. Peut-être serions-nous amenés à réviser nos données sur ce point de vue, en voyant plus large et plus loin, à la lumière de nos expériences et de nos études depuis 1946. En rentrant de Chine en 46, j'ai écrit, devant le désordre général des idées et des comportements, qu'il fallait repenser l'État, le Droit, l'Université, l'Économie, la Banque, la Défense Nationale. C'est maintenant doctrine d'État. Nous autres, brevetés de cette génération, nous y avons toujours pensé et en cours de chemin nous rencontrions peu de monde. Les préoccupations étaient ailleurs et nous passions pour des pêcheurs de lune. Actuellement cela a heureusement changé.

 

VIS-A-VIS DE L'ÉCOLE je ne voudrais pas à ce titre paraître un censeur et formuler des critiques déplacées. Elle a formé cette génération et c'est tout dire et donné un enseignement de tradition lui aussi, mais qui était aussi une méthode. Peut-être aurait-on pu dès l'époque, comme on le fait actuellement, nous sortir de notre isolement intellectuel, mais qui serait venu vers nous ? Et qui nous aurait donné les moyens matériels d'entrer davantage en contact avec la Vie, c'est-à-dire le monde de notre temps ? Peut-être aussi aurait-on pu augmenter les contacts avec la troupe et le matériel, mais à la réflexion, en pleine période de décadence militaire, comme nous l'étions à l'époque, décadence connue, sinon voulue, à côté de ce qui se tramait près de nous, devant nous ; décadence recherchée et sublimée par les niaises déclarations de 1924 et années suivantes, déclarations, de la paix au monde, tractations de Genève, etc. c'était mieux ainsi.

 

Quelques encouragements venus d'en haut auraient été les bienvenus dans les moments de désarroi et de doute. Car il est un grand principe qui règne sur l'École ; c'est celui du maintien des forces morales. C'est là le grand mérite des fondateurs et des dirigeants de l'École comme jadis les LEWAL, les LANGLOIS, les BONNAL qui nous ont donné le bon sens d'un FAYOLLE, l'étincelle d'un FOCH et aussi l'équilibre d'un FAYOLLE ou d'un FRANCHET d'ESPEREY. Ils ont su ranimer et entretenir chez de jeunes officiers, après la défaite de 1870, les saines notions de la valeur des armes et de la puissance de relèvement de la Nation, et aussi la probité intellectuelle indispensable à tout travail utile. Cela suffirait presque, avec le contact des réalités, à créer une doctrine et cette doctrine nous sauve actuellement. Mais il ne faut pas s'en tenir là. Notre génération, les officiers au premier rang, a eu la chance de courir le monde, de s'initier à des civilisations nouvelles, des techniques nouvelles, et ce faisant de réfléchir à la plupart des grands problèmes de demain, dont le côté humain apparaît beaucoup mieux. Cela c'est le Mouvement et par conséquent la Vie, gui n'est ni bonne, ni mauvaise parce qu'elle est simplement la Vie. « Lege, scribe, tace » soit, mais il faut y ajouter « canta ». Et, comme le dit M. THIERS, « S'il est bon d'être allé à l’École, il ne faut pas y rester ».


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