La période d'hiver - Les visites

Tous les quinze jours environ, pendant la période d'hiver, les officiers de chaque promotion vont visiter les établissements militaires les plus intéressants qui peuvent se trouver à Paris ou aux environs.

 

 

Montage de la tente médicale dit « tente Tortoise »

 

 

Un jour on va voir la manutention du quai de Billy, pour se rendre compte des modes d'emmagasinage et d'entretien des grands approvisionnements, regarder fabriquer du pain de guerre, etc. Une autre fois, on se rend à l'usine d'expérience de Billancourt où se fabriquent des tablettes de café, des conserves de toutes sortes, où se prépare du matériel de campement.

 

 

Visite à l’usine de Billancourt – Le montage du four Godel

 

Aux invalides, on inspecte les énormes approvisionnements du matériel de santé, on voit charger et on s'amuse à s'installer soi-même sur les mulets à litières et cacolets : on examine, un autre jour, les appareils optiques dernier cri, le matériel de télégraphie sans fil, etc. On va au ministère entendre des explications sur les idées à l'ordre da jour et les expériences en cours sur la chaussure, le sac, la coiffure du fantassin et discuter sur les mérites respectifs des solutions adoptées par les diverses puissances représentées par une collection de mannequins tout habillés et équipés.


Puis on grimpe au Mont-Valérien visiter l’École de télégraphie militaire, se rendre compte des méthodes, regarder fonctionner des appareils de télégraphie optique ; on fait lancer une ligne de télégraphie de campagne pour se rendre compte de la rapidité de son établissement.

 

 

La voiture-poste de télégraphie électrique

 

A l'École des ponts de Bougival, on voit lancer, par une compagnie du génie, un pont de bateau, construire une portière sur laquelle on grimpe pour traverser la Seine. Parfois, le courant, plus fort qu'on n'avait cru, fait dériver la portière et emporte toute une promotion de l'École de guerre au fil de l'eau.

 

 

Les officiers de l’École passant la seine sur une portière de trois bateaux

 

A l'École des chemins de fer de Versailles, on assiste à un concours de vitesse avec épreuves de perfection, entre équipes chargées de préparer des traverses ou de couper des rails ; il est d'usage que ce soient les officiers de l'École de guerre qui offrent le montant du prix partagé entre les hommes de l'équipe gagnante. Puis on visite les approvisionnements des ponts Henry et Marcille, on voit construire un pont, on assiste à l'une des phases du lancement, on inspecte tout ce qui concerne la construction ou la destruction des voies ferrées, etc.


Un autre jour, on va étudier, à Meudon puis à Chalais, l'École d'aérostation militaire, et écouter une petite conférence des remarquables officiers qui dirigent ce service ; on apprend d'eux où en est, en France et à l'étranger, la passionnante question du dirigeable. En attendant que ces engins soient entrés dans le domaine de la pratique, un certain nombre d'officiers s'offrent des ascensions en ballon captif.


La période d'été - Les voyages

Vers le 15 mai ouvre la période d'été, la plus agréable sans contredit. C'est celle des voyages de toute nature.


On commence, en première année, par ceux de tactique d'armes. C'est, en grand, la répétition des séances pratiques sur le terrain de la période d'hiver. Chacun de ces voyages dure cinq à six jours.

 

 

Voyage de tactique d’armes – La critique des dispositions prises

 

Les voyages d'histoire, un en première et un en seconde année, consistent dans de fort intéressantes excursions sur quelques-uns des champs de, bataille de 1870. On cherche à bien se rendre compte de ce qui s'est passé ; on a à cet effet étudié à fond la phase voulue de l'histoire de la guerre ; on examine ensuite comment les choses se passeraient sur le même terrain avec l'armement et les principes de tactique actuels. Pour donner plus d'intérêt vivant à ces séances, chaque officier est chargé d'exposer dans ses plus grands détails une phase de la lutte ; on descend même jusqu'au rôle des compagnies, et grâce aux historiques de régiments allemands et français, on arrive à reconstituer sur le terrain, minute par minute, la participation d'une unité inférieure à l'action d'ensemble.

 

 

Voyage de tactique d’armes – Discussion des solutions

 

On se rend, en première année, par moitié de promotion, à l'École d'expériences d'artillerie de Poitiers. Là, assis sur des silhouettes renversées, les officiers entendent de fort suggestives explications sur la valeur du merveilleux matériel de canon à tir rapide que toutes les armées étrangères cherchent toujours en vain à imiter ; puis, empilés dans des abris ou perchés sur des fourgons transformés en observatoires, on assiste à des expériences de tir de toutes sortes et à d'impressionnantes rafales exécutées par un groupe de batteries entier. Un tir de cette sorte coûte près de 15 000 francs !


En seconde année, pendant une huitaine de jours, on étudie autour d'une de nos grandes places fortifiées toutes les phases d'un siège avec les moyens et les principes actuels.

 

 

Voyage de fortification – Explications sur le terrain

 

L'un des derniers voyages en seconde année est le voyage d'état-major, véritable voyage de tactique générale avec, en plus, le fonctionnement des organes divers d'une armée, intendance, santé, service de l'arrière, etc. Une importante partie des professeurs de l'École prennent part à ce voyage, auxquels assiste le général ou le commandant en second. C'est à la fin de ce voyage que les professeurs présents se réunissent et discutent la valeur professionnelle des officiers qui y ont pris part.


A partir de ce  moment, le classement de sortie est à peu près définitivement établi. Heureux ceux auxquels le hasard a permis de briller dans l'exposition de quelque intéressante question.


Les voyages divers dont nous venins de parler se font les uns à cheval, les autres à bicyclette. Il est fort pittoresque de voir défiler un peloton de 30 ou 50 officiers de toutes armes sur ce pratique instrument. Tous les officiers sont obligés de savoir monter. Il y a quelques années, on leur faisait passer un examen de bicyclette. Maintenant, on juge la chose inutile, on se contente de prescrire que chacun se munisse d'une bicyclette et on ne leur donne d'ailleurs pour cela aucune indemnité.


Chaque année se termine, avant les manœuvres, par un voyage du plus haut intérêt et fait dans des conditions exceptionnellement agréables, le voyage de frontière, qui dure à peu près vingt-cinq jours. La première année, on visite toute la région frontière d'Allemagne et de Suisse, de Givet à Nantua ; la seconde année, la région des Alpes et le littoral de la Méditerranée.

 

 

Voyage de frontières – En station sur le Donon

 

On a à se réunir à quelques rares rendez-vous pour permettre de visiter avec fruit, en profitant des explications d'officiers compétents, certaines places, notamment l'une de nos grandes places de l'Est, puis, une de nos places côtières, avec visite détaillée des forts; enfin, visiter l'arsenal de Toulon : on examine le sous-marin dernier modèle, on va faire une excursion en torpilleur, on rend visite un cuirassé ou un croiseur.


En dehors de ces quelques tournées collectives, ouest, dans ces voyages de frontière, absolument libre ; on va où on veut, en civil, à pied, en chemin de fer, en voiture, à bicyclette, groupés comme on l'entend; on a pour mission, tout à fait charmante, de faire connaissance avec tout ce qu'il v a, dans les régions frontières, d'intéressant au point de vue militaire, sans négliger les parties pittoresques. On se garde bien, en effet, d'oublier d'aller voir les grottes de Han en Belgique, les plus beaux sites des Vosges, d'ascensionner au Ballon d'Alsace, au Donon, au Tanet, puis dans les Alpes, d'aller passer deux jours à Chamonix, d'aller courir sur la Mer de Glace, de traverser le col de la Vanoise, d'aller admirer les gorges les plus fameuses, de parcourir la célèbre route de la Corniche, etc., etc., et tout cela avec toutes portes ouvertes, autorisation d'entrer dans tous les établissements intéressants, et tous les forts les plus à hauteur.


Le mois de septembre est le mois des manœuvres; les officiers de l'École de guerre les font, la première année avec un corps d'une arme autre que leur arme origine, la seconde année dans un état-major.


Les différents voyages sont séparés par des périodes de repos complet plus ou moins longues suivant les hasards des combinaisons du tableau de service. Après les manœuvres, entre les deux années d'École, on jouit d'une longue permission qui mène jusqu'au 2 novembre, époque où reprennent les travaux de seconde année.


Les examens de sortie

Pendant que la plus jeune promotion se repose, la plus ancienne, aussitôt après les manœuvres, subit les examens de sortie.


Ces examens consistent en un travail en salles de tactique générale, en un travail analogue d'état-major, puis en une séance, analogue aux examens tactiques d'entrée, mais beaucoup plus imposante : devant un aréopage de six généraux assistés de tous les professeurs de l'École, on doit traiter une question tactique, puis successivement les professeurs de chacune des branches spéciales vous poussent des colles dans leur partie.


Enfin les officiers ont à faire preuve, devant une délégation de la commission, de leur science hippique.


Peu après la fin de cet examen, la liste d'affectation des officiers aux différents états-majors est communiquée aux intéressés. Chacun avait remis à la direction des études une liste, par ordre de préférence, de tous les états-majors dans lesquels ils peuvent être admis; la direction, au moyen de ce document et du classement, a distribué ces places en affectant au premier classé ce qu'il a demandé en premier lieu; au second, ce qu'il a porté en tête de liste, si ce n'est pas pris par le premier, et ainsi de suite.


La liste est aussitôt soumise à la section technique d'état-major et au ministre. Elle revient parfois avec quelques modifications.

 

 

Examens de fin d’année

 

Le passage par l'École de guerre n'est pas le seul moyen d'obtenir le brevet d'état-major. Les officiers supérieurs et capitaines peuvent l'obtenir en subissant un examen qui a lieu à l'École de guerre et en même temps que les examens de sortie dont le programme est horriblement chargé. Il embrasse, en effet, toutes les matières des examens d'entrée, toutes celles des études de l'École et les épreuves de sortie. Aussi, les candidats sont-ils très peu nombreux. En 1905, il n'y en a eu qu'un.


Les brevets accordés sont de trois catégories. Les 20 ou 25 premiers classés de l'École de guerre sont brevetés avec la mention Très bien ; les autres reçoivent, suivant leurs notes, des brevets avec mention Bien ou Assez bien.


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