L'École supérieure des officiers de réserve du service d'état-major




Le 2 décembre 1911, le général commandant l’École supérieure de guerre se voit confier la direction de l'École d'instruction des officiers de complément du service d’état-major issue de la Réunion des officiers de complément du service d’état-major.


Cette école est devenue aujourd’hui l'École supérieure des officiers de réserve du service d'état-major.

Histoire




En 1870, l’ampleur du désastre frappe la France de stupeur. Le malheur engendrant souvent la réflexion, le nouveau régime et l'armée s’efforcent d’analyser les causes de cet effondrement et de trouver les remèdes nécessaires. La défaite est en partie explique par les graves défaillances du corps d’état-major, mal formé, mal préparé à la conduite de forces interarmes, et coupé du reste de l’armée qu’il devait conduire.


Pour faire des officiers d'état-major de véritables auxiliaires du commandement compétents et efficaces, sans les isoler pour autant de la troupe, il apparaît indispensable de modifier les règles de leur recrutement et de revoir les modalités de leur formation. C’est notamment l'objet, en 1876, de la création des cours militaires spéciaux puis, en 1880, de la création du service d’état-major qui aboutit à la transformation des cours militaires spéciaux en École supérieure de guerre.


Mais il faut attendre beaucoup plus longtemps pour les officiers de réserve.

 

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L'idée de réunir dans un même corps des réservistes spécialement choisis et formés pour servir dans un état-major revient au commandant Mariotti.


Fonctionnaire au ministère de la Guerre et officier de réserve lui-même, Mariotti établit en janvier 1882 à l'intention du ministre une note au sujet de l'organisation d'un service auxiliaire de l'état-major général. Observant que les cadres d'active ne sont pas suffisants en nombre pour fournir les états-majors, il suggère que des personnels de réserve leur soient associés. Il parle d'un « corps d'élite » dans lequel ne seraient admis que des sujets présentant à la fois des aptitudes scientifiques et des qualités militaires. Il précise que pourraient entrer dans ce corps des anciens officiers d'active de l'armée, des officiers de réserve sélectionnés par concours et certains fonctionnaires de l'administration comme lui-même.

 

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Le 29 novembre 1898, le général Renouard, chef d'état-major de l'armée donne son approbation au projet d'organisation d'une École spéciale d'instruction des officiers de complément du service d'état-major que lui présente Mariotti. Un comité, constitué aussitôt, consulte les intéressés sur l'opportunité de créer auparavant une « réunion d'officiers ». En octobre 1899, 159 officiers de réserve apportent leur consentement à ce projet.


Devant ce résultat encourageant, une assemblée générale est convoquée à Paris le 18 novembre 1899 ; c'est la date de naissance de la Réunion des officiers de complément du service d’état-major. A sa tête sont installés trois conseils : de direction, d'administration et d'instruction. S’y ajoutent un secrétariat général, un service de la trésorerie, un service des cartes, collections et archives tous richement dotés en personnel.


Le conseil d’instruction, présidé par le lieutenant-colonel d'artillerie de réserve breveté Frocard, a pour rôle de dispenser des cours de perfectionnement hebdomadaires qui sont inaugurés le 21 mars 1900, au cercle militaire de l'avenue de l'Opéra, à Paris ; ces cours sont suivis d’un dîner amical.


Grâce à l’action du lieutenant-colonel Frocard, le ministre de la Guerre, crée le 19 novembre 1900 l'École d'instruction des officiers de complément du service d’état-major avec des bureaux et des archives aux Invalides et des locaux d’instruction au cercle militaire. Comme toutes les écoles d’instruction du gouvernement militaire de Paris, celle-ci relève du gouverneur et à un directeur titulaire, son chef d’état-major, avec le lieutenant-colonel Frocard comme directeur adjoint. La Réunion reste l’organe d’exécution qui transmet aux intéressés les avis, programmes, convocations, etc. Ses trois conseils sont fondus en un seul.


Dès 1910, est lancée l’idée du rattachement de cette école à l’École supérieure de guerre mais elle se heurte à des obstacles divers et ce n’est que vers la fin de 1911 que le gouverneur militaire de Paris, après s’être assuré le concours du général Ebener, reprend la question et adresse au ministre des propositions pour le rattachement technique de l’École d’instruction à l’École supérieure de guerre. Ces propositions trouvent un terrain favorable dans la personne du ministre d’alors, M. Messimy, ancien officier breveté et chef de bataillon de réserve.


Le 2 décembre 1911, l’École qui atteint le chiffre de 400 adhérents, est placée sous la direction du général commandant l'École supérieure de guerre et s'installe dans des locaux à l'École militaire ; elle est toutefois maintenue sous la haute autorité du gouverneur militaire de Paris en vue de « maintenir à l’École son caractère d’école régionale », qualification qui ne correspond déjà en rien à la réalité. La direction des exercices est confiée aux professeurs de l’École supérieure de guerre. La Réunion reste l’organe d’exécution.

 

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La formation de l'officier d'état-major est alors envisagée d'une façon assez modeste. Dans une conférence, en 1900, le lieutenant-colonel Frocard voit cet officier chargé de reconnaissances, de missions de liaison, de rédaction de rapports et même de petits métiers : un pli à porter, un pont à reconnaître, un ordre court à rédiger. Il est aussi piquant de retracer le portrait des officiers de complément tels que les voyait, en 1904, le commandant Mariotti : Instruits, actifs, dévoués, ils doivent être maintenus, grâce à un entraînement physique rigoureux, aptes à faire campagne ; le cheval est magnifié comme compagnon indispensable de l'officier d'état-major, toutefois « l'amour du cheval ne doit pas être exclusif des autres sports, cyclisme ou automobilisme » ; ils doivent, aussi, posséder deux qualités essentielles : le tact et la discrétion ; ils sont, enfin, tenus de donner l'exemple sur le plan de la tenue.


L’examen du programme de l’année d’instruction 1901-1902 permet de voir le dosage réalisé ; sur 30 séances annuelles :


- 3 sont réservées à un exercice d’application sur le terrain,

- 22 ont lieu en salle (connaissance des armes, notions sur les armées étrangères, étude du service d’état-major, droit …),

- 5 visites sont prévues à l’extérieur, notamment pour les démonstrations de génie et d’artillerie.


En 1902, on commence à exécuter des exercices sous la direction d’officiers brevetés du gouvernement militaire de Paris. A partir de 1903, on organise chaque année, dans les environs immédiats de Paris, un voyage d’état-major auquel prennent part une vingtaine d’officiers.


Avec la montée prodigieuse des effectifs mobilisés – 1 185 000 hommes en 1872 et 3 580 000 hommes en 1914 - cette conception évolue.


Le programme des cours pour 1912-1913 comprend :


- en octobre : 4 exercices pratiques à cheval dans les environs de Paris,

- de novembre à février : une vingtaine de conférences sur l’organisation des armes, des services et sur la mobilisation,

- en mars : 4 exercices pratiques sur la carte,

- en avril et mai : des exercices pratiques du service d’état-major, à pied ou à cheval, la visite d’une place forte, une école à feu d’artillerie, un exercice sur le service des mitrailleuses d’infanterie, des visites d’établissements,

- vers le 20 mai : deux voyages d’état-major dans deux régions différentes, pour faire participer le plus possible d’officiers de province.


En août 1914, l'armée française entre en guerre ; l’École supérieure de guerre suspend ses cours, imitée par les cours spéciaux d’instruction des officiers de complément du service d’état-major. Ceux-ci rejoignent leurs postes et jouent leur rôle d'auxiliaires du commandement. Les leçons répétées pendant des années d'instruction ont été bien apprises ; elles portent leurs fruits.

Aussi, quand le maréchal Joffre, reçu à l'Académie française le 19 décembre 1918, fait un panégyrique coloré des officiers d'état-major, « demeurés comme des rocs dans la tempête, répandant autour d'eux la clarté et le sang-froid », les officiers de complément du service d’état-major se sentent directement concernés par ces hommages. Il convient de noter, à ce propos, que si ces officiers complétaient seulement les cadres d'active en 1914, ils représentaient, en 1918, les trois quarts de l'encadrement.

 

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Après la coupure de la guerre et la réorganisation de l'armée, l'institution des officiers de réserve du service d’état-major met un certain temps à reprendre souffle. Fortes de l'épreuve subie, école et réunion vont voir s'accuser les traits de leurs riches personnalités.


En 1920, l'École nationale de perfectionnement du service d'état-major, tel est son nouveau nom, rouvre les portes avec 450 inscrits. Dix ans plus tard, ils seront 1 700.


L'ambiance n'est plus la même. Ce n'est plus la génération des vaincus de 1870, pénétrés de l'esprit de revanche, les yeux fixés sur la « ligne bleue des Vosges » ... C'est la « génération du feu », dont beaucoup ont combattu à Verdun ou sur la Somme.


Le recrutement aussi est différent. Les années de guerre ont changé la société française, et le corps des officiers de réserve du service d’état-major ne peut rester étranger à cette évolution. Dans ses rangs, on trouve moins désormais de rentiers et de propriétaires, plus de fonctionnaires et de dirigeants d'entreprises.

Après avoir essayé de faire face aux besoins de l’enseignement avec le cadre normal de l’École supérieure de guerre, on finit par affecter à l'École un cadre spécial dirigé par un colonel ou lieutenant-colonel d’active. L'enseignement a le souci de s'adapter. La décentralisation des cours en province est amorcée en 1924 ; sont alors créés les centres de Lyon, de Marseille, de Bordeaux et de Rennes.


En 1932, des cours d'information, dispensés par des officiers de réserve du service d’état-major, sont créés pour préparer l'admission dans le corps des jeunes officiers de réserve candidats.


En 1935, enfin, une volonté de spécialisation dans l'emploi se fait jour avec l'organisation de groupements d'instruction : le premier réservé aux jeunes officiers de réserve du service d’état-major des états-majors de division, le second consacré aux officiers affectés dans des corps d'armée ou armées, le troisième prévu pour les officiers plus âgés nommés dans les formations d'étapes.


Les besoins en officiers de réserve du service d’état-major croissent compte tenu du plan de mobilisation de 1924 qui dissocie les commandements territorial et opérationnel. Une étude précise, faite en 1931, montre que les officiers de réserve du service d’état-major doivent tenir les deux tiers des postes d'état-major de corps d'armée et le tiers des postes d'état-major d'armée.


La Réunion ressuscite en 1923. Elle porte, encore, la dénomination de Réunion des officiers de complément du service d'état-major qu'elle abandonne deux ans plus tard pour le nom de Réunion des officiers de réserve du service d’état-major. Sa principale tâche consiste à maintenir élevé le moral du corps et à faciliter le contact harmonieux entre deux générations nouvelles : celle qui a subi l'épreuve du feu en 1914-1918 et celle qui est prête à assurer la relève. Attentive à l'élaboration du nouveau statut des réserves et au rôle important qui serait dévolu aux 120 000 officiers de réserve, en cas de mobilisation, elle s'affilie à l'Union nationale des officiers de réserve en 1928, selon le vœu de son assemblée générale. Depuis cette date, les liens n'ont cessé d'être soigneusement entretenus.


A la veille de la Deuxième Guerre mondiale, les ORSEM représentent, selon le vœu de Mariotti, une élite incontestée. Le corps compte dans ses rangs des personnalités prestigieuses comme l'ambassadeur François-Poncet, l'érudit Jérôme Carcopino, le romancier Francis de Croisset, l'historien Marc Bloch, le professeur Perrin et le journaliste Kahn, tombé glorieusement au Maroc.


Cette élite est consciente de la montée des périls. En 1936, une modification des statuts est soumise à l'assemblée générale. Pressentant une mobilisation générale, le bureau de la réunion prévoit de confier à un comité de gérance, à base d'officiers hors-cadres, la conservation des documents, matériels, titres et fonds de l'association, précaution qui n'avait pas été prise en 1914.


Lors de la crise de septembre 1938, de nombreux ORSEM sont rappelés. Le dernier bulletin de la Réunion paraît en décembre. Quelques mois plus tard, tous les officiers rejoignent leur poste de mobilisation.

 

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La tourmente de 1939-1945 voit les ORSEM combattre pendant la campagne de France, souffrir dans les camps de prisonniers ou de déportation, entretenir la flamme de la Résistance, participer aux luttes de la Libération. Où qu'ils soient, ces cadres de réserve n'ont qu'un seul souci : celui de servir le pays. Dès 1945, la Réunion est réactivée.


En 1946, l'école reprend ses activités sous le nom de Centre d'instruction des ORSEM. Elle coopère étroitement avec l’École d’état-major à laquelle elle est liée.


En 1951, le centre devient l’École nationale des ORSEM qui se transforme, à son tour en 1958, en École supérieure des ORSEM (ESORSEM). Un insigne propre à l’école est créé, portant comme devise : Ils s’instruisent pour mieux servir.


En 1952, l’École est de nouveau directement subordonnée à l’École supérieure de guerre.


De nombreux officiers participent à la campagne d'Algérie. Après quelques semaines de mise dans l'ambiance, ils s'adaptent vite au milieu et aux conditions nouvelles de la guerre subversive. On les trouve dans les états-majors de division et de secteur ainsi que dans les unités. Rien ne les distingue de leurs camarades d'active.


A partir de 1970, l’École supérieure des officiers de réserve du service d’état-major est dirigée par un officier général ; elle survit à la disparition de l’École supérieure de guerre en 1996 et fête son centenaire en 2000.


Les ORSEM aujourd'hui




Aujourd’hui, les ORSEM sont au nombre d’environ 2500. Les bouleversements géostratégiques, l’évolution profonde du concept de défense, les réorganisations successives de l’armée, les réformes statutaires, la fin du service national, les réductions de crédit et le faible intérêt de l'armée d'active ont compliqué le recrutement.


En dépit des réformes fréquentes de l’enseignement militaire supérieur, l’École supérieure des ORSEM garde pour mission de fournir l’armée de terre en officiers de réserves spécialistes, aptes à renforcer les structures de commandement.


Les ORSEM n'ont pas d'autre raison d'être que le service du pays et de son armée. Ils ne vivent plus, comme avant 1914, dans l'attente anxieuse de la revanche. Mais ils savent que toute paix est précaire, et qu'une nation tentée par la facilité est une nation condamnée. Entretenir l'esprit de défense est aujourd'hui un de leurs deux objectifs essentiels. S'instruire afin de se « ... tenir constamment à hauteur de la mission qu'ils peuvent être éventuellement appelés à remplir » - selon les termes mêmes de l'article 1 des statuts d'origine de la Réunion - est l'autre de ces objectifs.


Le fait « ORSEM », avec ses deux composantes « Réunion » et « École », a aujourd'hui plus de 100 ans d'existence, mais il n'a pas vieilli. Au fil des ans, des temps de guerre et des périodes de paix, il a toujours su s'adapter aux conditions du moment, preuve de la vitalité de ce « corps d'élite », pour reprendre les termes mêmes de son fondateur le commandant Mariotti.

 

D’après Un siècle d’ORSEM, les officiers de réserve du service d’état-major, ouvrage publié par la Réunion des ORSEM (1999).


Les directeurs ou commandants de l’École




Président du conseil d’instruction :

 

1900                               lieutenant-colonel FROCARD

 

Directeur adjoint - sous la direction du chef d'état-major du général gouverneur militaire de Paris :

 

1901                               lieutenant-colonel FROCARD

 

Directeur adjoint - sous la direction du général commandant l’École supérieure de guerre :

 

1911                               lieutenant-colonel FROCARD

 

 

Commandants de l’École jusqu'à la disparition de l'Ecole supérieure de Guerre :

 

1920-1925                     lieutenant-colonel HERSCHER

1925-1928                     lieutenant-colonel GERARD

1928-1931                     colonel GUILLEMONT

1931-1933                     colonel GERARD

1933-1935                     lieutenant-colonel MARTEAU

1935-1937                     colonel DUCHE

1937-1938                     colonel CALDAIROU

1938-1940                     lieutenant-colonel CURNIER

1947-1948                     colonel DESFONTAINES

1948-1952                     colonel CALMELS

1952-1956                     général BOULANGEOT

1956-1959                     colonel FOX

1959-1961                     colonel LACHEROY

1961-1961                     colonel BERNARD

1961-1962                     colonel BABRON

1962-1963                     colonel DEBARNOT

1963-1966                     colonel DENÉE

1966-1970                     colonel GENESTOUX

1970-1975                     général BOUYX

1975-1976                     général HOGARD

1976-1979                     général MICHAUD

1979-1982                     général SALKIN

1982-1983                     général BAFFELEUF

1983-1985                     général BASTEAU

1985-1986                     général FORT

1986-1989                     général GENOUX

1989-1991                     général DE BELENET

1991-1992                     général VIDAL

1992-1994                     général GERMAIN

1994-1994                     général COLATRELLA

1994-1996                     général PÉDRON