LES STAGES PRÉPARATOIRES A L'ÉCOLE DE GUERRE DU GENERAL LESTIEN




Extrait des Souvenirs du général Lestien de la 36e promotion de l’École supérieure de guerre

 

 

Les cours de l'École supérieure de guerre étaient alors précédés de deux stages de trois mois chacun, accomplis dans une arme autre que l'arme d'origine. Ces stages avaient pour but de compléter par des connaissances pratiques, les notions théoriques que l'on possédait sur ces armes.


J'obtins de les accomplir à Verdun même, au 61e régiment d'artillerie et aux 3e régiment de hussards.


Les officiers devaient au cours de ces stages tenir un journal. Rédigés par de jeunes officiers, à l'esprit curieux, capables de noter les impressions neuves qu'ils éprouvaient par ce contact avec une arme jusqu'alors peu ou mal connue d'eux, ainsi que les indications et les conseils que leur donnaient des camarades avec la franchise et la liberté d'expression de cet âge, ces journaux auraient pu être extrêmement intéressants. Ils auraient même pu fournir aux chefs de l'armée une documentation d'une valeur exceptionnelle sur les réalités de la vie des corps de troupe. Mais, comme ils devaient, en fin de stage, être transmis par la voie hiérarchique, la plupart des officiers se gardaient de noter ce qui eût pu être désagréable aux chefs de corps et aux généraux sous les ordres desquels ils s'étaient trouvés et qui devaient les noter sur ces trois mois de stage. Rares étaient ceux qui exprimaient nettement, ou même seulement laissaient deviner leurs impressions réelles. Sans doute y fallait-il "la manière" pour ne paraître ni prétentieux ni brutal. Il paraît que je n'en étais pas totalement dénué, car lors d'une réunion de toute la /promotion consacrée à l'examen critique de ces journaux, le colonel Champeaux professeur du cours de cavalerie, s'étant plaint de les avoir trouvés banals et vides, j'eus la satisfaction de l'entendre déclarer, en terminant : « On peut cependant tout dire, à condition d'y mettre les formes : je n'en veux pour preuve que le Journal du lieutenant Lestien. »


J'ai conservé ces journaux. Ils seraient utiles à consulter pour la connaissance de l'état réel de l'instruction et de la préparation à la guerre dans deux des corps de troupe en garnison à la frontière, et qui pouvaient passer pour être des meilleurs de l'armée française.


Avouerai-je que je fus quelque peu déçu ?...


L'amabilité et la bonne camaraderie des artilleurs ne purent me fermer les yeux sur certaines faiblesses.


Une confiance absolue dans leur supériorité de techniciens et dans la valeur de leur outil, le canon de 75, me parut avoir engendré une paresse d'esprit et un mépris de l'initiative, étonnants chez des hommes aussi intelligents.


Peut-être la faute en incombait-elle, pour une grande part, au commandant du régiment, le colonel Pauffin de Saint-Morel. Convaincu de la supériorité de son intelligence, il avait occupé, depuis l'époque de l'Affaire Dreyfus, où il avait joué un rôle, des postes en vue à l'état-major de l'armée et au ministère de la Guerre. Il se considérait comme une des lumières de l'artillerie et méprisait tous ceux qui avaient le malheur d'émettre des théories différentes des siennes, voire même de chercher dans des voies nouvelles. Il fallait entendre le ton à la fois hautain et gouailleur, sur lequel, avec un accent parisien affecté, il accablait - de loin - ses adversaires, s'agit-il même du plus important d'entre eux, le général Percin : « J’leur-z’y ai dit... »


Le général Percin, alors inspecteur général de l'artillerie, essayait bien de secouer l'inertie intellectuelle des cadres en prescrivant des expériences visant à la recherche de procédés plus efficaces, notamment pour la solution de ce problème difficile, la liaison entre infanterie et artillerie sur le champ de bataille. Mais soit que ses antécédents politiques eussent d'avance discrédité ses efforts, soit plutôt que la jalousie des uns et la paresse des autres les eussent paralysés, les résultats en étaient assez médiocres. Les nombreuses notes qu'il adressait aux régiments pour orienter leur travail - et qui avaient le tort d'être trop nombreuses - n'étaient même pas lues. J'en eus un jour la preuve flagrante : au début d'avril, une note de la décision journalière invitait les officiers à prendre connaissance d'une lettre de l'inspecteur général déposée à la salle d'honneur et relative à un procédé de tir de la batterie d'infanterie, procédé dit « du lieutenant Deschamps ». Cette lettre était longue de quatre pages ; je pus la copier ou la résumer en moins d'une heure. Six semaines plus tard, vers la fin des écoles à feu, le colonel fit observer qu'il serait peut-être temps d'expérimenter le procédé Deschamps. Le procédé Deschamps ?... Qu'était-ce que cela ?... Personne ne savait ce dont il s'agissait et n'avait lu la lettre du général Percin. Ce fut moi, le fantassin stagiaire, qui dut les mettre au courant en leur communiquant les notes que j'avais prises. Bien entendu, à peine connu, le procédé en question était critiqué et abîmé. On ne l'expérimenta même pas, et, lors de la séance consacrée au tir de la batterie d'infanterie, chacun se livra à sa fantaisie, ou plutôt à sa routine.


La routine était en effet maîtresse. Elle donnait des cadres subalternes remarquablement « mécanisés », capables d'exécuter à la perfection, même sous le feu, les mouvements de la batterie attelée et les opérations de mise en batterie, qui tenaient la première place dans les programmes d'instruction. Mais elle s'opposait au développement de l'instruction en terrain varié, sacrifiée à l'instruction du polygone, comme à l'adoption de tout procédé nouveau, tel que, par exemple, l'emploi du téléphone, trop négligé par de nombreux officiers.


Peut-être la disparition de la plupart des anciens polytechniciens, qui avaient quitté l'armée pour trouver dans l'industrie ou dans les grandes administrations d'état des situations plus avantageuses, et qui avaient été remplacés par d'anciens sous-officiers, n'était-elle pas étrangère à cette atonie intellectuelle.


Peut-être aussi serait-il injuste d'étendre à toute l'artillerie les constatations sévères que je fis au 61e : mon impression fut toute différente, trois ans plus tard, à Besançon lors d'un autre stage au 4e régiment d'artillerie, régiment que commandait, il est vrai, un chef tout différent du colonel Pauffin, le colonel Nivelle.


Quoiqu'il en soit, ces constatations expliqueraient sans doute certaines surprises et certains tâtonnements qui se produisirent au début de la guerre 14/18. Le redressement et l'adaptation aux réalités de la guerre ne demanderont que quelques semaines mais il y faudra l'infusion de sang nouveau que représenteront les officiers démissionnaires et les officiers de réserve rappelés à l'activité.

 

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A l'inverse des cadres inférieurs de l'artillerie, ceux de la cavalerie avaient au plus haut degré le culte de l'initiative.


La nature de ses missions de combat impose à cette arme un encadrement exceptionnellement solide : deux capitaines et quatre lieutenants par escadron, c'est-à-dire plus du double des officiers d'une compagnie d'infanterie. Il en résultait, d'une part que chaque officier, aidé d'un maréchal des logis, pouvait avoir la complète responsabilité de l'instruction de son peloton, groupe assez peu nombreux pour qu'il pût connaître individuellement tous ses hommes et tous ses chevaux, et d'autre part. que les corvées diverses et les services généraux, répartis entre un plus grand nombre, n'accaparaient pas ces officiers, qui pouvaient ainsi se donner tout entiers à leur tâche de chefs de peloton.


Pour les jeunes officiers, ces missions de combat ayant fréquemment un caractère individuel, et non pas collectif comme dans les autres armes, leurs chefs se devaient à eux-mêmes de les encourager à développer au maximum leur personnalité, sans s'effrayer même d'une certaine originalité.


L'entrain de ces jeunes officiers, leur allant, leur goût du risque, leur habitude (pour ainsi dire, professionnelle puisqu'elle résulta des allures mêmes du cheval) des décisions rapides, la connaissance parfaite qu'ils avaient de leurs subordonnés, l'attention qu'ils portaient aux détails faisait d'eux de véritables chefs[1].


Je ne m'étonnerai pas, après les pertes terribles en officiers du début de la guerre, de les voir prendre, dans les unités d'infanterie, la place de leurs camarades tués et s'y montrer aussitôt les meilleurs.


Malheureusement ces belles qualités, développées à la fois par la pratique du cheval et par la nature des fonctions, ne pouvaient manquer de s'affaiblir avec l'âge et la montée en grade.


Il eut fallu que cet affaiblissement fût compensé par le développement de la culture personnelle et par le travail intellectuel ; mais les habitudes contractées dans les cadres inférieurs ne portaient pas à la lecture et à l'étude. Aussi la valeur des cadres diminuait-elle au fur et à mesure qu'on s'élevait dans la hiérarchie. Du moins en était-il ainsi, sauf exceptions, bien entendu, dans les trois régiments avec lesquels je fus en contact direct en 1910 et en 1911, 3e et 8e hussards à Verdun et 4e dragons à Chambéry.


Tout en haut, l'emploi de l'arme était dominé par des conceptions tactiques évidement périmées, le mépris du feu, la répugnance pour le combat à pied, la recherche exclusive de la charge.


Sans doute faut-il incriminer ici la mauvaise influence des camps d'instruction : ces terrains découverts et dépourvus de points d'appui naturels, ne présentant aucune des difficultés de parcours qu'offre aux grandes unités de cavalerie la plupart des terrains, et où aucune surprise ne semble a-priori possible, ne pouvaient que fausser les idées.


En 1911 après un nouveau stage d'un mois au 4e dragons, je terminai ainsi mon journal de marche réglementaire : « Susceptible de rendre les plus grands services dans la guerre future, la cavalerie possède toutes les qualités nécessaires à l'accomplissement de ses diverses tâches, instruction, intelligence, hardiesse, volonté de vaincre mais elle sera ruinée avant d'avoir agi ou elle se sacrifiera inutilement, si ceux qui l'emploient ou la commandent ne sont pas à la hauteur, et du rôle et de l'instruction. »


C'était être fâcheusement prophète. Mais telle était ma conviction que je l'exprimai plus nettement encore dans une annexe à ce journal que je rédigeai pour moi, au cours des quelques jours de congé passés à Saint-Didier-au-Mont-d'Or à la fin de septembre, pour y décharger ma bile, et que j'intitulai : « Ce que je n'ai pas dit dans mon journal de marche ».


Je crois devoir la reproduire textuellement, en rappelant que nous étions encore sous l'influence de l'alerte d'Agadir : les inquiétudes et les soucis éprouvés au cours de l'été n'étaient pas étrangers, je ne dis pas à la sévérité, mais à la brutalité de mes jugements.


Ce que je n'ai pas dit, ce que je n'ai pu dire, ce qui est cependant ma conviction profonde, c'est que notre cavalerie sera détruite et ruinée avant même que se produise le choc formidable des armes : malgré ses admirables qualités dignes en tous points de ses héroïques traditions, nous ne pouvons, je le crains, compter sur elle.


Sous prétexte d'esprit cavalier, elle ne veut entendre parler ni de tactique, ni de combat à pied, ni du feu, ni de liaison avec l'infanterie, elle ne connaît et ne veut connaître que l'audacieuse reconnaissance ou la charge folle à tombeau ouvert. Rien n'est plus beau certes, mais volontiers elle ajouterait, comme Cyrano : « C'est bien plus beau puisque c'est inutile ». Et ainsi ces superbes qualités qu'on ne saurait trop vanter, la discipline et l'ardeur de la troupe, l'intelligence et l'initiative des sous-officiers, la science équestre, l'ingéniosité, l'allant, l'audace des officiers, non seulement resteront improductives, mais seront les instruments de son sacrifice.


A y regarder de plus près, d'ailleurs, ce n'est pas seulement de la tristesse et de l'admiration que l'on éprouve : il s'y mêle de l'indignation et du mépris ; car on est bientôt amené à constater que, chez un certain nombre de chefs, ce fameux « esprit cavalier » n'est que la façade élégante de la paresse d'esprit. Charger, toujours charger, n'importe où et n'importe quoi, cela dispense de réfléchir du cœur sans doute et avec cela, une belle voix et de l'assiette, un bon cheval aussi : cela suffit pour faire un chef ou plutôt pour en donner l'illusion !...


Passons-les donc en revue pour l'Histoire, ces chefs qui demain peut-être se feront tuer vaillamment, mais en sacrifiant leurs escadrons ! J'aurais dû le faire l'an dernier, quand, à côté ou au-dessus d'un de l'Espée, à l'humeur inégale mais unanimement reconnu comme un vrai chef[2], d'un G.[3], figure insignifiante de brave homme, j'aurais eu à dessiner ce petit chat botté de Sordet qui nous parût si inférieur à sa réputation lorsque, dans son premier laïus, il nous présenta une théorie du combat de cavalerie digne du général Boum[4], ce grotesque de Séréville, jadis brillant, lui aussi disait-on, mais qui, dans un lamentable bégaiement, nous parla de l'attaque du « haricot de mouton » (quand il s'agissait du mouvement de terrain baptisé sur les cartes « Haricot de Vadenay »), enfin ce dangereux imbécile de Lagarène[5] dont j'aurai tout dit lorsque j'aurai rappelé qu'au contact même de l'ennemi, il engagea toute sa brigade sans reconnaissance dans un bois épais de trois kilomètres, par un sentier où l'on pouvait à peine marcher à deux de front, et avec une avant-garde d'un escadron distante seulement de trois cents mètres !...


Cette fois, la galerie sera moins complète ; mais elle n'est pas totalement dénuée d'intérêt :


- Le colonel D. de Mareuil : bel homme, ancien écuyer de Saumur, je crois, très entiché de sa terre de Mareuil et de sa science équestre, ce qui n'aurait aucune importance si cette manie ne se traduisait dans le commandement par une tendance à ne juger les gens que sur leur titre, leur fortune ou leurs chevaux, et un profond mépris pour tous ses inférieurs... On passerait volontiers ces défauts à un chef éminent, dont la valeur personnelle expliquerait, sans les justifier bien entendu, cette attitude méprisante, mais ce n'est, certes pas, l'idée qu'il donne de lui, et si son régiment était inapte à toute manœuvre autre que la marche en ligne de colonnes et la charge en bataille, c'est bien faute d'y avoir été jamais exercé...


- Le général Radiguet : qui peut avoir eu l'idée aussi singulière que néfaste de confier une brigade de cavalerie à ce colonial malade qu'un Gallifet eût dès le premier jour, impitoyablement envoyé soigner son foie. Si le pauvre homme se pare, lui aussi, d'un esprit cavalier - car il n'est tel qu'un fantassin pour avoir des prétentions de cavalier - ce n'est peut-être chez lui qu'un masque derrière lequel il cherche vainement à dissimuler son inaptitude foncière au commandement qu'on lui a, Dieu sait pourquoi, confié. Non seulement il manque personnellement d'allant, et même d'allure, à ce point que je ne l'ai jamais vu galoper une seule fois au cours de ces manœuvres, et que nous l'avons vu cent fois faire de longs détours pour éviter des fossés que sautaient sans broncher les plus maladroites des recrues. Aussi est-il la risée de toute sa brigade, de la troupe comme des officiers !... Au moins son expérience de colonial lui a-t-elle suggéré quelques notions tactiques. Son ordre de mouvement pour la journée du 4 septembre, ordre reproduit dans mon journal, suffirait pour en juger, si on ne trouvait pas d'autres pénibles éléments d'appréciation dans son inaction au cours de cette même journée, et dans l'agitation à la fois stérile et dangereuse par laquelle il essaya, le lendemain, de faire oublier les reproches que lui avait valus cette inaction...


En face de nous, nous avions le général Gallet, qui fut jadis fameux, mais pour des raisons extra-militaires. Je ne le vis pas assez pour pouvoir porter sur lui le moindre jugement, quoiqu'on puisse juger singulier le suicide qu'il a imposé à sa division dans l'après-midi du 2 septembre.


N'y eut-il pas là encore une de ces fautes qu'un peu plus d'activité physique ou intellectuelle eût facilement évitées, ou tout au moins atténuées - ce qui me semble bien être le cas de toutes les erreurs rapportées au cours du Journal ?...


Ces erreurs, personne ne les releva. Il y avait pourtant un directeur des manœuvres, le général Dor de Lastours, à qui ses succès aux dernières manœuvres ont fait une soudaine réputation de grand cavalier - succès dont les nombreux ennemis que son adversaire, le général D., dans la cavalerie avait peut-être, d'après ce que m'en a dit un témoin, exagéré l'importance. Montant de superbes chevaux, svelte, actif, tout à fait cadet de Gascogne (« jambes de cigogne, moustache de chat, dents de loup ») l'ex-ami du roi Édouard a tout ce qu'il faut pour s'imposer et pour imposer ses idées aux cavaliers. Pourquoi ne le fit-il pas ? Pourquoi n'y eut-il jamais la moindre critique ? Pourquoi devant tous ces officiers si désireux de s'instruire - j'en eus chaque jour la preuve - ne tira-t-on jamais la leçon d'incidents si éloquents ?... Est-ce que « l'œil d'aigle » manquait au cadet de Gascogne ? Ou n'était-ce pas encore une forme de paresse, paresse morale cette fois, où la peur d'exprimer à haute voix sa pensée ?...


Je suis sévère, sévère sans doute jusqu'à l'injustice. C'est que je suis revenu de ces manœuvres, navré.


Navré de voir le très faible rendement que les chefs réalisèrent avec cette force, et de penser que tant de bonnes volontés, d'intelligence et de courage resteront inutilisés, ou même seront inutilement sacrifiés.


Navré aussi, par d'autres constatations : - un régiment d'infanterie répandu, à l'heure de la grand'halte, dans les cafés de la place d'un village, un autre marchant et manœuvrant sous le feu, debout et coude à coude, comme nous faisions à Saint-Cyr, il y a douze ans, - un colonel qui commandait un détachement, ne se préoccupant nullement de l'ensemble et négligeant toute liaison, - un état-major incapable en temps de paix et malgré l'existence de multiples moyens de communication, d'établir cette liaison à quinze kilomètres de distance, - enfin un général de division, de F., écrivant dans son ordre cette phrase « monumentale » qui ferait hausser tristement les épaules si nous la lisions dans un ordre de 1870 : « l'infanterie prendra strictement ses précautions afin de ne pas être surprise »...


Et malheureusement les impressions de mes camarades, les autres stagiaires confirment malheureusement les miennes !...


A cette heure d'alerte, ces constatations seraient vraiment trop pénibles, si nous n'étions en droit de supposer que, de l'autre côté de la frontière, les effets de la faveur impériale sur le choix des grands chefs n'ont pas été moins néfastes, que chez nous, ceux de la « faveur républicaine… »

 

 



[1] Je signalerai en passant un détail pittoresque. Si nombreux étaient les officiers dont le nom s'ornait d'une particule, que les sous-officiers avaient peine à concevoir qu'un officier pût n'en pas porter. En vain le capitaine, commandant de mon escadron du 3e hussards, vieux soldat qui s'appelait tout simplement Limai, m'appelait-il naturellement « Lestien » en dictant ses ordres le sous-officier qui prenait la dictée écrivait, non moins naturellement « de Lestien » : j'eus beau en faire l'observation, je restai pour le fourrier « de Lestien » jusqu'à la fin de mon stage.

[2] Hélas ! Il n'en avait que l'apparence. Mes camarades stagiaires au 4e hussards, qui m'avaient fait son éloge, s'étaient laissé éblouir par cette apparence. Mais ce n'était, lui aussi, qu'un « beau voleur » et je ne fais pas ici allusion à la sinistre plaisanterie de Gallifet, dont il avait été l'officier d'ordonnance : « Comment toi, l'Espée, coucher avec ma défunte ! ». Foch ne s'en aperçût que trop, au lendemain de la Marne, quand il essaya vainement de le lancer ace sa division à la poursuite des Allemands en retraite.


[3] J’ai oublié son nom. Il ne joua d'ailleurs aucun rôle, en 1914.


[4] Commandant du Corps de Cavalerie en août 1914 il devait malheureusement, mieux que tout autre justifier mes tristes prévisions...

[5] Surnommé plaisamment « le triste légume », il devait lui aussi justifier ma sévérité, comme commandant de la 2e division à la bataille de la Marne, notamment dans la journée du 9 septembre.


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